ESR privé : Gare aux amalgames !
A la suite de la parution, il y a quelques jours, du livre « Le Cube » de la journaliste Claire Marchal, de nombreux articles de presse reprennent à leur compte les arguments déployés : course aux profits, formations de mauvaise qualité, défaillances multiples dans la sélection, le suivi et l’accompagnement des étudiants, etc. Il est regrettable de constater que le bruit autour de ce livre traite l'enseignement supérieur privé comme un bloc uniforme sans faire de distinction de qualité entre les établissements. Cette généralisation est non seulement injuste, mais nuit également à la réputation des institutions qui s'efforcent de maintenir des standards officiels élevés.
En effet, l'enseignement supérieur privé en France est un secteur diversifié, comprenant des établissements de renom qui offrent des formations de qualité, reconnues par l'État en France mais aussi à l’international. Nombre de grandes écoles privées (notamment toutes celles membres de l’UGEI) sont sous la tutelle du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. A ce titre, elles délivrent des diplômes au minimum visés et, le plus souvent, disposant d’un Grade de Master et/ou d’un Grade de Licence. Elles sont évaluées de manière récurrente par des commissions comme la CTI, la CEFDG et le HCERES, composées d’universitaires de renom, de professionnels reconnus ou encore de partenaires sociaux. Nombre d’entre elles sont également reconnues d’intérêt général par la qualification EESPIG (Etablissement d’Enseignement Supérieur d’Intérêt Général). Ce processus de contrôle garantit la qualité du corps professoral, de la recherche, de la sélectivité, de l’accompagnement étudiant, des contenus des programmes évalués et bien plus encore. L’insertion professionnelle, la pédagogie, l’international, le réseau de diplômés sont d’autres exemples qui confortent l’excellence de ces formations, très attractives pour les étudiants français et internationaux.
Cette qualité d’une partie du secteur privé de l’ESR français est un véritable fleuron du « soft power » de notre pays et l’agitation actuelle ne doit pas la passer sous silence.
Cependant, il est indéniable que le secteur a également vu l'émergence d'établissements privés moins scrupuleux, attirés par la rentabilité supposée du marché de l'éducation. Ces institutions, souvent motivées par des opportunités comme le développement de l’alternance ou le manque de repères en matière d’orientation, peuvent offrir des diplômes de moindre valeur - voire inexistants - qui ne permettent pas de poursuivre des études, ni de trouver un emploi, ce qui porte préjudice aux étudiants et à leurs familles. Pas ou peu de corps professoraux permanents, faibles infrastructures, manque d’encadrement ou de suivi : autant de signaux à repérer pour fuir ce type de formation.
Il est donc crucial de distinguer les établissements qui investissent véritablement dans la qualité de l'enseignement de ceux qui cherchent uniquement à maximiser leurs profits. Les initiatives récentes du gouvernement, telles que le renforcement du label Qualiopi, visent à améliorer la transparence et la qualité des formations offertes par les établissements privés : ce sont probablement des pistes intéressantes à explorer pour mieux encadrer le secteur.
En tant qu'acteurs de l'enseignement supérieur, nous pensons que le débat visant à opposer public et privé est totalement stérile et d’un autre âge. Les dysfonctionnements évoqués dans le livre, tels que des amphis bondés, un manque de sélectivité ou de suivi existent aussi bien dans le privé non qualitatif que dans certains établissements publics. L’excellence des professeurs, de la recherche et des formations existe aussi bien dans le privé évalué par les agences du MESR que dans le public.
La jeunesse française et nos entreprises ont besoin d’un modèle d’enseignement supérieur hybride, dans lequel établissements publics et privés soient tous deux exigeants et performants, afin de relever ensemble les défis de transformation d’aujourd’hui et de demain.
Joël CUNY
Président de l’UGEI